Toucher l'horizon est dans les bacs.
Il aura donc fallu attendre trois ans, après un rapide passage à l’écran dans "Nèg Maron" de Jean-Claude Flamand Barny l’année dernière, pour que l’enfant de Boissard (un quartier de Pointe-à-Pitre), façonne un nouvel album de 14 titres. Presque tous inédits, ils ont été en grande majorité enregistrés sur son île natale, dans le studio Songuart de Baie-Mahault.
Ces longs mois d’attente (paternité oblige avec la naissance de ses jumeaux) ont porté leurs fruits. Avec "Toucher l’Horizon", Admiral T rend à nouveau une copie quasi-parfaite, plutôt à tendance dancehall, bien que l’intro de l’album (l’éponyme Toucher l’Horizon), laisse présager un opus roots. Une idée immédiatement balayée par le virevoltant « Lanmou épi respé ». Comme d’habitude, les paroles (créole et français) de l’amiral sont réfléchies, positives et engagées. Parfois nostalgiques : « loin de mon île, je me sens mal », chante-il sur le rythme apaisant du poignant « Retour au pays natal». Il chante l’amour, aussi. Après Sucre d’Orge (sur "Mozaik Kreyol"), le Guadeloupéen joue les charmeurs sur un « Pavarotty » très rythmé. Mais Admiral T ne se contente pas de chanter ce qu’il maîtrise. Il se risque sur d’autres terrains, partageant le micro avec quatre valeurs sûres. Des featurings inédits et réussis, avec Diam’s (Les mains en l’air) et Rohff (Number 1), TOK (Wave your flag) et le cultissime groupe zouk Kassav (Fos a péyi la, sur un rythme compas), qui viennent apporter une autre dimension à son album, même si la combinaison avec Rohff ne convainc pas vraiment.
Pour cet album, Admiral T a reçu les conseils de nombreux compositeurs et a fait l’effort de poser sur ses propres riddims. Sept morceaux, pour la plupart dancehall, ont été enregistrés avec Blastar. « Des jeunots qui débutent (voir notre interview)», comme les surnomme le toaster guadeloupéen. Blastar intervient parfois en compagnie de ses acolytes Brisco et Scorpius Milo, du groupe Scorblaz. L’un de ces titres, le percutant Grand Manitou (sur l’Aspic riddim), était déjà d’ailleurs apparu sur la compil Ninety Seven Kribbean, sortie en mars 2005. Hormis Chris Allman, producteur reconnu des Barbades, qui a supervisé les duos entre le Guadeloupéen et TOK et Kassav (avec Jacob Desvarieux), d’autres personnes, plus ou moins connues, ont entouré Admiral T de façon ponctuelle. Le titre « Doctè Ka Malade », dont la douce instru hip-hop rappelle étrangement celle de Mother de Jah Mason (sur "Never give up"), a été travaillée avec le « très underground » (dixit Admiral T) Phantom. A noter également les participations des Français Bim & Bost sur l’intro Toucher l’Horizon, de Stanisky sur Pas de temps à perdre, de DJ Phana pour le featuring avec Diam’s (Les mains en l’air) et de Saïd des Mureaux pour la combinaison avec Rohff (Number one). Vous l’aurez compris, les influences d’Admiral T sont variées. Mais cela n’empêche pas le produit fini de garder une certaine homogénéité.
2006 pourrait bien être l’année d’Admiral T. L’homme qui enflamma le Zénith en première partie de Sean Paul un soir d’octobre 2003 confirme qu’il est un porte-parole idéal pour la communauté antillaise. Et un showman redoutable… déjà en tournée.